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  • Me Jarnoux-Davalon

LES RÉFÉRENTIELS D’INDEMNISATION ? La roulette ...


En matière d’indemnisation des victimes d’accidents (médicaux, routiers, etc..), il existe deux enjeux majeurs : déterminer la responsabilité (ce qui est souvent, en matière médicale, un travail d’expert) et chiffrer le préjudice.

Si le préjudice financier (perte de revenus, remboursement de soins…) se calcule arithmétiquement, l’évaluation du préjudice corporel (à savoir les conséquences de toute atteinte à l’intégrité physique ou psychique) est en revanche beaucoup plus délicate.

Il n’est pas rare qu’il existe des écarts d’indemnisation allant de 1 à 4 entre deux juridictions.

Pour uniformiser les montants, le recours à ce que l’on appelle des référentiels est de plus en plus courant. Ils ont pour vocation de donner un montant d’indemnisation, ou éventuellement une fourchette, pour chaque poste de préjudice, en tenant compte de la gravité du dommage.

Pas de barèmes en droit français (ou presque)

Rappelons qu’en matière d’indemnisation le principe est celui de la réparation intégrale du préjudice : cela implique qu’elle doit être évaluée en tenant compte de toutes les particularités du cas d’espèce, et qu’il ne peut pas y avoir de montant forfaitaire.

A titre d’exemple, on ne peut pas, en droit français, fixer à l’avance l’indemnisation pour la perte d’une jambe.

C’est en vertu de ce principe que beaucoup de professionnels du droit se sont opposés aux ordonnances dites « MACRON », qui ont imposé que l’indemnisation des licenciements sans cause réelle et sérieuse se fasse dans une fourchette définie par le législateur, ce qui, par définition, est contraire à l’idée d’individualisation du préjudice.

Il en résulte que les barèmes sont théoriquement interdits … mais quid du référentiel ?

Le référentiel est censé différer du barème dans le sens où il est indicatif, donc non obligatoire.

Il a pour avantage de rendre le calcul de l’indemnisation plus pratique, et ceux qui tentent d’en imposer l’utilisation invoquent la nécessité d’uniformiser les montants pour un même type de préjudice, au nom de l’égalité devant la loi et la justice.

Chacun choisit le référentiel qui lui convient… 

L’ONIAM (voir l’article sur l’ONIAM) a développé son propre référentiel et, pour tenter de l’imposer aux juridictions, invoque non seulement ce principe d’égalité, mais surtout la nécessité de pouvoir indemniser toutes les victimes avec un budget réduit ; cela imposerait, si l’on suivait sa démonstration, d’indemniser moins chacune des victimes.

Les assurances ont également un référentiel, et chacun de ces organismes invoque des procédures plus ou moins contradictoires dans l’élaboration desdits référentiels, affirmant notamment que des associations de victimes ont été consultées (ces « avis » étant purement consultatifs).

En réalité figurent dans ces référentiels les montants que les assurances acceptent de payer dans un cadre amiable, donc, par conséquent, nécessairement plus bas que ce qui est accordé par les tribunaux.

Il faut aussi savoir que les assurances, si elles acceptent d’indemniser à l’amiable, le font forcément a minima : certains postes disparaissent purement et simplement et, sur ceux qui subsistent, le calcul se fait en recourant à des référentiels (barèmes ?) très avares.

Il est donc impératif de se faire conseiller par un (bon) avocat avant d’accepter  -ou de refuser.

Il existe enfin des référentiels qui ne sont pas établis par les tiers payeurs, et qui résultent de l’analyse de la jurisprudence des Cours d’appel, comme le référentiel MORNET : ils ont un caractère a priori plus objectif.

Le danger des référentiels

L’utilisation systématique de ces référentiels devient particulièrement dangereuse, notamment parce qu’un certain nombre de juridictions les entérinent purement et simplement.

Il suffit pourtant de prendre un peu de recul pour constater le caractère totalement ubuesque du système : ceux qui élaborent ces référentiels, à savoir les assureurs ou l’ONIAM, sont également les payeurs !

Cela signifie qu’ils décrètent eux-mêmes des limites ou des plafonds aux sommes qu’ils seront condamnés à verser … Cela revient au même que si, avant de prendre le volant, vous colliez sur votre pare-brise le montant maximum des sommes que vous accepterez de payer dans l’hypothèse où vous provoqueriez un accident !

Toutefois, même les référentiels les plus objectifs, comme le référentiel MORNET précité, recèlent un danger presque aussi grand que les précédents : il s’agit en effet d’une moyenne des indemnisations accordées par différentes juridictions dans des cas réputés similaires.

À titre d’exemple, pour des souffrances endurées qui seraient évaluées par un expert à 3 sur une échelle de 7 on accordera une indemnisation qui ira de 3000 à 6 000 €.

Je me permets ici d’attirer votre attention : cette méthode, présentée par certains assureurs comme une évolution inéluctable vers un avenir radieux, a en réalité 14 siècles de retard ; elle n’est que le copié-collé du système juridique du Haut Moyen-Âge, applicable sous Clovis.

Si vous en doutez, vérifiez le titre XLI de la loi salique portant sur le meurtre, qui prévoit que l’assassinat d’un Gallo-Romain sera puni par une indemnisation de 12 000 deniers, alors que le meurtre d’un simple romain est sanctionné par une indemnisation de 4000 deniers.

Quoi qu’il en soit, la difficulté réside dans le fait qu’il s’agit de moyennes : une moyenne n’est jamais révélatrice, elle n’est que le résultat d’un produit consistant dans l’addition de condamnations prononcées dans des cas très différents les uns des autres, le total étant ensuite divisé par le nombre de cas.

Le résultat obtenu n’a aucun sens ; il n’a qu’un intérêt statistique.

Un expert judiciaire (qui avait un peu plus de recul que la plupart…) avait un jour répondu dans une cour d’assises, à un avocat qui l’interrogeait sur des chiffres statistiques : « Vous savez Maître, je me méfie des moyennes : un homme qui a les pieds dans le congélateur et la tête dans un four à une température moyenne parfaitement normale, et pourtant il en est mort… »

Si on compare donc cette indemnisation moyenne au cas le moins grave, elle va s’avérer beaucoup trop élevée, et inversement très insuffisante en comparaison d’un cas désespéré.

Or, le danger du référentiel consiste dans l’utilisation par les juges de ce résultat statistique pour calculer de manière forfaitaire un poste de préjudice, sans tenir compte des particularismes du cas d’espèce.

Dans un futur (très proche ?) le paroxysme de l’application de cette méthode sera le calcul de l’indemnisation par un algorithme sans intervention humaine…

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