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  • Me Jarnoux-Davalon

Le cas de M. B. ou L’objectivité des Tribunaux

En matière d’indemnisation, suite à un accident médical, ou même à n’importe quel type d’accident, dans le contentieux dit du « préjudice corporel » donc, il existe une procédure très encadrée de calcul des sommes que l’on peut solliciter : on utilise une nomenclature spécifique (la nomenclature Dintilhac),  des tables d’espérance de vie, de tables de calcul des rentes viagères pour les hommes et pour les femmes, des référentiels (puisque les barèmes sont interdits..), etc…

Cela  donne une impression de très grande objectivité, pourtant fausse.

À titre d’exemple, en 2017, dans le cas de l’opération d’une cheville ayant mal tourné, avec des séquelles graves, nous avons obtenu la condamnation de l’hôpital concerné par la Cour administrative d’appel de VERSAILLES à une somme très exactement 4 fois supérieure à celle accordée en première instance par le Tribunal Administratif : 440 000 € au lieu d’environ 110 000 €.

Sur cette question de l’objectivité, le cas de Monsieur B. est particulièrement éloquent :

Monsieur B. est un sujet de Sa Majesté Britannique, venu dans les Alpes françaises pour faire du snowboard et qui a été victime d’un malaise, lequel aurait dû être sans gravité – une simple occlusion intestinale.

C’était néanmoins sans compter sur les errements des urgences d’un hôpital savoyard, qui a failli l’expédier outre-tombe.

L’expertise judiciaire qui sera pratiquée par la suite relèvera en effet pas moins de 7 fautes :

Après un transport médicalisé inadapté, les urgences lui ont ainsi administré un médicament hypotenseur (c’est-à-dire qui a la particularité de faire chuter la tension), et ce alors qu’il était très affaibli et doté d’une tension à ce moment déjà très basse ; s’y sont ajoutées d’autres incompatibilités techniques qui rendaient l’administration de ce médicament totalement inadaptée.

En a immédiatement résulté un arrêt cardiaque et, comme les Urgences avaient malheureusement égaré le défibrillateur –ils l’ont retrouvé depuis–, la réanimation a été quelque peu laborieuse.

Le patient a été finalement sauvé in extremis, mais s’est réveillé quasi aveugle et entièrement paralysé…

Il a été depuis rapatrié en Grande-Bretagne.

Récemment, l’émission de téléréalité britannique Car SOS lui a consacré un reportage entier (Monsieur B. était un ancien garagiste qui restaurait des modèles de collections).

Logiquement, Monsieur B. intente une procédure à l’encontre de l’hôpital.

Le rapport d’expertise est tellement accablant pour les « professionnels » de santé que la question de la responsabilité n’est même pas contestée.

Le débat porte donc essentiellement sur le montant de l’indemnisation.

Je précise que, pour le chiffrage, j’utilise scrupuleusement les mêmes outils que ceux des Tribunaux dont je parlais en introduction : table de mortalité de la Gazette du Palais, référentiel des Cours d’appel … et bien sûr la sacro-sainte nomenclature Dintilhac.

Pour être totalement transparent, j’avoue avoir visé le haut de la fourchette, mais toujours en motivant sérieusement avec des éléments précis du dossier (qui est manifestement un dossier hors norme), de sorte que les évaluations sont éventuellement un peu hautes mais n’ont rien de fantaisistes.

Eu égard à la gravité de l’état du patient, le total des demandes atteignait 9.600.000 € (neuf millions et six cent mille €).

En « rognant » sur toutes les demandes, le Tribunal réussira à n’accorder « que » 1.270.000 €.

La motivation la plus emblématique est probablement celle qui concerne l’assistance tierce-personne. Monsieur B. est paralysé, et quasi-aveugle, de sorte que la perte d’autonomie est totale. L’expert considérera donc, sans strictement aucune hésitation, qu’il est impératif qu’il bénéficie d’une assistance 24h/24, jour et nuit ; il n’y aura aucune discussion à ce sujet !

Le Tribunal va pourtant diviser la demande à ce titre par deux, en expliquant que Monsieur B. n’a pas besoin d’assistance de nuit …

Cela équivaut à considérer que cette victime d’un accident médical, paralysée sur un lit médicalisé, devrait rester seule pendant douze heures d’affilée sans strictement aucune aide, sans boire, sans la moindre intervention humaine (et ce sans même envisager les cas extrêmes, par exemple le patient restant seul chez lui de nuit alors qu’un incendie se déclare…).

Le Tribunal est donc allé non seulement à l’encontre du rapport, sans aucune raison objective ni sérieuse, mais également du plus élémentaire bon sens ; enfin, si l’on considère ses motivations et ses conséquences, la décision implique également un traitement inhumain et dégradant de la victime.

Mais ce qui étonne le plus, finalement, c’est la liberté que le Juge administratif a pris avec l’objectivité.

Je précise pour vous rassurer que cette décision a fait l’objet d’un appel, qu’elle n’est pas définitive, et que, de ce fait, elle est susceptible de critiques…

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