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  • Me Jarnoux-Davalon

L’ONIAM, à quoi cela sert-il ?

Dernière mise à jour : 15 nov. 2019

L’ONIAM, c’est l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux.

Le principe fondamental de la responsabilité des médecins réside dans l’existence d’une faute ; en droit commun, c’est-à-dire sauf exception,  ce n’est qu’en cas de faute que vous pouvez obtenir une indemnisation suite à un accident médical.

Ce principe existait avant la loi de 2002, qui a modifié en profondeur le régime juridique de la responsabilité médicale, et il faut savoir que dans le passé il fallait même ce qu’on appelle une faute lourde, c’est-à-dire d’une particulière gravité, et pas une simple négligence ou maladresse, pour faire condamner le médecin.

Une faute simple suffit désormais aux termes de la loi, mais cela est en réalité un peu plus subtil, car pour qu’un Tribunal décide qu’il y a eu faute il faut dans la quasi-totalité des cas qu’un  expert médical l’ait affirmé préalablement, parce que la matière est trop technique la plupart du temps pour qu’un juge puisse le déterminer.

Or, les experts sont également des praticiens en exercice, qui peuvent être confrontés aux même difficultés ; et puis la médecine n’est pas une science exacte, sans parler bien évidemment de ce que certains appellent le « corporatisme de la profession ».

Bref, vous pouvez imaginer que dans certains cas, les experts font preuve d’une certaine tolérance dans l’appréciation de la faute d’un de leurs confrères.

Quoiqu’il en soit le principe est le suivant : il n’y a pas d’obligation de résultat en matière médicale.

Le médecin est tenu de tout faire pour vous soigner, mais pas de vous guérir : il n’a que ce qu’on appelle une obligation de moyens, et cela est vrai quelle que soit la gravité des séquelles.

Le législateur a donc considéré que lorsqu’un patient est victime d’un accident médical grave et que les séquelles sont importantes, c’est à la solidarité nationale de prendre en charge l’indemnisation.



On sort donc totalement de la philosophie de l’indemnisation des conséquences d’une faute, pour entrer dans celle de la prise en charge par l’État des conséquences de l’acte de soins qui a mal tourné.

C’est l’idée qui a mené à la création de l’ONIAM : il s’agit d’un fond de garantie, comme existe un fond de garantie en matière d’accident automobiles pour les victimes d’accidents qui sont causé par un chauffard qui roule, en prime, sans assurance.

On ne le saisit pas directement mais en passant par la procédure préalable de la saisine de la CCI (Commission de conciliation et d’indemnisation, anciennement CRCI, commission régionale de conciliation et d’indemnisation, dont je parle davantage dans mon article Tribunal ou CCI ?).

Les critères de gravité de l’ONIAM

Comme je l’indiquais plus haut, il s’agit d’indemniser les accidents les plus graves ; il y a donc des critères de gravité.

On utilise trois critères alternatifs, c’est-à-dire que si l’un des trois est rempli cela suffit pour que l’accident soit considéré comme suffisamment grave pour relever de l’ONIAM :

soit l’accident a entrainé un arrêt de travail de 6 mois ou plus, consécutifs (sans interruption), ou non consécutifs mais dans un délai de 12 mois maximum. Par exemple : 3 mois d’arrêt, une reprise pendant 5 mois puis à nouveau 3 mois d’arrêt, ce qui fait 6 mois d’arrêt dans un délai total de 11 mois.

Quid, me direz-vous, si vous êtes à la retraite ou que vous ne travaillez pas, ou que vous résidez à l’étranger, et que vous ne bénéficiez pas du régime de l’arrêt de travail ? Il faut alors qu’un expert décrète que vous avez fait l’objet d’une Incapacité Temporaire Totale (en gros à l’hôpital ou couché sur un lit chez vous sans pouvoir vous lever) ou  d’une Incapacité Temporaire Partielle (ITP) à hauteur de 50 % au moins, dans cette même période de 6 mois.

soit une fois consolidé (c’est-à-dire que votre médecin, ou un expert, décide que votre état n’évoluera plus) vous gardez des séquelles qui entraineront une Incapacité Permanente Partielle fixée à 24% au moins. Attention : il s’agit du barème médical; ce pourcentage n’a rien à voir avec les évaluations des handicaps de la sécurité sociale ou autres organismes du style MDPH.Dernier critère : les conséquences d’une particulière gravité dans la vie du patient : critère fourre-tout pour les victimes n’entrant pas dans les deux premiers mais qui seraient considérées comme ayant néanmoins subi des conséquences très graves.

C’est un critère à ma connaissance très peu utilisé ; il faut dire qu’il est très subjectif, et que l’ONIAM, qui gère des fonds publics en période de crise et qui doit faire face à de plus en plus de demandes avec un budget serré, n’a pas forcément intérêt (ni même la possibilité) d’ouvrir les vannes de l’indemnisation en ayant une conception très extensive de ce dernier critère.

La saisine de la CCI

Autre grande idée de la réforme : la victime ne saisit plus un tribunal, avec les délais et les frais que cela peut entrainer, mais une commission (la CCI) qui va s’occuper d’instruire la demande, sans avocat obligatoire (donc pas de frais d’avocat), en prenant en charge les frais d’expertise (donc pas de frais d’expertise) et rapidement puisque la loi prévoyait une réponse de la CCI dans les six mois de sa saisine (ce qui en comparaison des procédures judiciaires ou administratives est très rapide).

C’était non seulement une révolution mais une idée extraordinairement bonne, parce que les victimes de graves accidents médicaux sont de manière générale totalement anéanties, touchées physiquement et moralement, avec dans la plupart des cas de graves conséquences financières car ne pouvant plus travailler, faisant face à des frais médicaux, de rééducation, etc…

Ils n’avaient donc ni l’argent ni le moral ni l’énergie de s’occuper d’une procédure judiciaire : et leur priorité consistait plus à tenter de retrouver leur intégrité physique..

Mais, bien évidemment, rien n’est aussi simple que dans les vœux pieux du législateur et cette réforme s’est avérée dans la pratique beaucoup moins  idyllique que prévu.

D’une part la rapidité de l’indemnisation est fictive : le délai de six mois n’est jamais tenu, et lorsque vous obtenez un avis de la CCI, au bout de plutôt 12 à 18 mois, il faut encore attendre une proposition d’indemnisation de l’ONIAM, qui peut tarder durant des mois, voire ne jamais arriver, parce que les avis de la CCI ne sont de toute façon pas obligatoires et qu’ils ne lient pas l’ONIAM, lequel peut être d’un avis différent sur son obligation à indemniser.

D’autre part la saisine est relativement compliquée, et l’expertise est un monde totalement à part dans lequel vous risquez de vous sentir assez seul, de sorte que suivre toute cette procédure, sans avocat connaissant bien la responsabilité médicale et le préjudice corporel, est difficile et surtout risqué ; cela est d’autant plus vrai que beaucoup d’experts ont une vision plus médicale que juridique de la responsabilité médicale et qu’ils sont prompts à écarter certains postes de préjudice importants, en commettant des erreurs.

Enfin (et peut-être même surtout) lorsque la CCI rend un avis, elle se contente de se prononcer sur le principe de l’indemnisation, de dire qui à son avis doit payer, et de citer les postes de préjudice à indemniser, mais sans les chiffrer !

Or, le chiffrage est ce qu’il y a de plus compliqué ; c’est même quasi impossible pour un non professionnel.

Ne pas prendre d’avocat équivaut donc à prendre un très gros risque.

J’ajoute que si finalement l’ONIAM ne vous indemnise pas ou que sa proposition n’est pas satisfaisante (il faut savoir d’ailleurs qu’il indemnise moins bien que si vous alliez devant les juridictions judiciaires), il faut faire une procédure, de sorte que vous n’évitez pas la procédure et qu’au lieu de gagner du temps vous en avez perdu…

Reste l’intérêt de ne pas avoir à payer les frais d’expertise et les frais de la procédure pour faire désigner un expert judiciaire.

En conclusion, cette procédure parallèle est-elle finalement intéressante ?

Cela dépend véritablement du dossier : si vous n’avez ni argent, ni assurance protection juridique, il est évident qu’elle est non seulement intéressante, mais même la seule solution que vous ayez, quitte à faire intervenir un avocat de manière ponctuelle pour uniquement une réunion d’expertise ou pour chiffrer les dommages.

Si en revanche vous pouvez financer ou faire financer une procédure, l’investissement est souvent amorti plusieurs dizaines de fois : ne pas investir de frais de procédure pour finalement être mal (ou pas du tout) indemnisé n’est pas forcément une bonne idée.

C’est tout le danger des procédures dites sans avocat obligatoire, comme en matière de prud’hommes : la loi vous offre la possibilité de faire seul, pour des raisons financières très compréhensibles, mais parallèlement les régimes juridiques sont de plus en plus complexes ; en vous disant que l’avocat n’est pas obligatoire on oublie de vous dire que cela ne signifie pas qu’il n’est pas utile voire nécessaire.

Beaucoup de justiciables se laissent rassurer par cette fausse garantie, qui me semble très dangereuse.

Concernant l’accès à un avocat et l’accès au droit de manière beaucoup plus générale, il s’agit d’un problème beaucoup plus vaste et complexe, touchant notamment l’aide juridictionnelle, qui n’est pas l’objet du présent article ; sachez simplement que le système Français, déjà très en retard, s’est encore enfoncé tout récemment dans les derniers mois lorsque le législateur a décidé de faire encore baisser la rémunération des avocats qui interviennent à l’aide juridictionnelle.

Je pense donc que nous ne sommes, hélas, pas prêt de sortir de ce que certains appellent la « justice à deux vitesses » (comprenez : relativement efficace pour les nantis et beaucoup moins pour les autres).

Mais il est exact que parmi les politiques qui prennent les décisions, ou ne les prennent pas, et qui laissent se dégrader un système déjà asphyxié, ceux qui se retrouvent parfois (trop souvent ?) devant la justice prennent des avocats qui facturent de l’ordre de 100 ou 200 fois le tarif des confrères qui travaillent à l’aide juridictionnelle, et qu’en conséquence ils ne doivent pas se sentir très concernés par ce monde curieux de ceux qui ne peuvent pas prendre d’avocat, même lorsque c’est leur intégrité physique qui est en jeu…

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